Dans le cadre du programme scientifique de recherche-action POPSU, Habiter les cendres : la forêt girondine après l'incendie, nous proposons de présenter une carte originale de l'incendie de La Teste de Buch en juillet 2022 sous forme de poster. Nous expliquons la méthode d'écriture de la carte, qui s'appuie sur des données quantitatives et qualitatives, et croise la création artistique et la production mémorielle. Son rôle est autant scientifique que politique, à l'image de la cartographie radicale (McCarthy, 2022).
La carte de l'incendie de La Teste de Buch a été dessinée à partir des données issues de l'imagerie satellitaire. Nous croisons les résultats de deux bases de données : Effis, à l'échelle européenne, et Bdiff, à l'échelle française. D'une part, Effis est le système européen d'information sur les feux de forêt, issu du programme Copernicus qui enregistre les surfaces brûlées en Europe. Les capteurs Sentinel-2, lancés en 2018, fournissent une résolution au sol des surfaces brûlées de l'ordre de l'hectare. D'autre part, Bdiff est alimentée au niveau départemental par les acteurs de la lutte et de la prévention des incendies.
De façon complémentaire à cette méthode quantitative, nous avons mené une enquête qualitative de collecte de témoignages auprès des acteurs concernés : pompiers du SDIS, préfecture de la Gironde, membres de la DFCI, mairies concernées et bénévoles. L'objectif est de rendre compte visuellement de l'impact de l'incendie sur les sols, les paysages et les sociétés. Ainsi, la carte est sensible et imprime une géographie du vécu (Olmedo, 2015), dans le sens où elle cherche à retranscrire autant les bouleversements de la forêt que ceux qui l'habitent. Une place importante est donnée à la création artistique et esthétique. L'objectif est de faire de la carte un objet de mémoire qui puisse être approprié par les populations locales.
La collecte et l'analyse des photographies de l'incendie, de la forêt, dans son état antécédant et dans son état postérieur, permettent de révéler le mouvement de l'incendie de La Teste de Buch. La carte spatialise ainsi l'incendie dans sa progression chronologique : foyer, têtes de feu, parcelles brûlées, bâti touché et bâti sauvé. Les lieux de solidarité et d'évacuation sont également mis en exergue afin de faire apparaître les rassemblements et les déplacements de la population locale. La carte de l'incendie montre alors autant la catastrophe que la résilience du socio-écosystème forestier.
En effet, la carte rend visible les incendies passés de la forêt de La Teste de Buch afin de faire prendre conscience au lecteur que la crise est seulement temporelle. L'écosystème forestier peut se régénérer si ses gestionnaires s'adaptent aux changements globaux. La carte de l'incendie révèle la dualité de l'appropriation de l'espace, entre la forêt publique gérée par l'ONF, forêt de semis de pins maritimes, et la forêt usagère gérée par une communauté d'usagers, forêt mixte de chênes et pins. La forêt publique a entièrement brûlé de manière uniforme alors que la forêt usagère a brûlé de façon très inégale selon la topographie et la densité végétale. L'incendie rend visible ce qui était invisible aux yeux du promeneur : les forêts mixtes sont plus résilientes que les forêts monospécifiques. La gestion forestière joue un rôle majeur dans la propagation du feu lors d'un incendie. La carte projette la réalité et dévoile la vérité.