La transition écologique en Tunisie soulève des questionnements fondamentaux sur l'efficacité et la durabilité des efforts de reboisement dans le contexte d'un changement global. La période coloniale française a initié une transformation radicale dans la gestion des forêts, marquée par une expropriation des communautés locales et la création de "néo-forêts" pour contrer l'érosion et la désertification. Cette démarche, bien qu'ayant pour objectif la conservation, a également reflété une logique d'exploitation et une réorientation des paysages naturels tunisiens vers des usages qui répondent davantage aux besoins de l'administration coloniale qu'à un équilibre écologique soutenable. À l'ère post-indépendance, la Tunisie a poursuivi ces efforts de reboisement avec des ambitions renouvelées de conservation et de développement durable. Toutefois, les stratégies adoptées ont souvent été marquées par une préférence pour la quantité et le taux de réussite des plantations au détriment de la biodiversité. Cette orientation vers des espèces à croissance rapide et souvent non indigènes, encouragée par les services forestiers, pose un enjeu critique pour la conservation de la biodiversité. Elle révèle une tension sous-jacente entre les objectifs de reforestation et les impératifs écologiques de restauration des écosystèmes forestiers originels. Par ailleurs, le rôle de la société civile dans le processus de reboisement, bien que souvent loué pour son engagement et sa capacité à mobiliser les communautés locales, mérite une critique plus nuancée. La volonté des acteurs non institutionnels de contribuer à la reforestation est indéniable, mais leur manque de connaissance en matière de choix des espèces à reboiser peut parfois aggraver les problèmes écologiques plutôt que de les résoudre. Encouragés par une politique forestière qui privilégie la quantité des arbres plantés comme indicateur de succès, ces efforts bien intentionnés peuvent finir par promouvoir une monoculture d'espèces exotiques comme l'Eucalyptus ou peu adaptées, au détriment de la diversité biologique native. Cette problématique est d'autant plus préoccupante que la sélection des espèces pour le reboisement ne se fait pas toujours sur la base de critères écologiques rigoureux. L'accent mis sur le taux de survie des plantations conduit à négliger des aspects cruciaux tels que la compatibilité des espèces avec les écosystèmes locaux, leur contribution à la biodiversité et leur résilience face aux changements climatiques. Notre question de recherche est : Comment évaluer l'efficacité et la durabilité des politiques de reboisement en Tunisie dans le contexte de la transition écologique globale ?Ainsi, la politique de reboisement en Tunisie se trouve à un carrefour, où la nécessité de réévaluer ses orientations et méthodologies devient impérative pour aligner les ambitions de conservation avec les principes de la durabilité écologique. La critique de ces dynamiques n'est pas une remise en question de la valeur du reboisement en soi, mais plutôt un appel à une réflexion plus profonde sur les modalités de sa mise en œuvre. Il s'agit de reconnaître que la réussite de la transition écologique en Tunisie repose sur une approche plus holistique, qui intègre les connaissances écologiques, respecte la biodiversité native et encourage une participation éclairée de tous les acteurs, y compris la société civile. Seul un dialogue renouvelé entre les différents acteurs permettra de repenser le reboisement non seulement comme un outil de lutte contre la désertification, mais aussi comme un moyen de restauration des écosystèmes forestiers dans leur complexité biologique originelle. Les méthodes mobilisées pour cette étude comprennent une analyse documentaire des politiques de reboisement en Tunisie, des entretiens avec des experts en écologie et des membres de la société civile engagés dans des initiatives de reforestation.