À la fois centraux dans la lutte face au changement climatique mais également impactés dès aujourd'hui par des phénomènes de dépérissements (Bouget et al., 2020), les écosystèmes forestiers sont mis à contribution pour la transition écologique, et font l'objet de politiques d'anticipation à plusieurs titres. La transition ainsi anticipée, et ici prise pour objet, peut se lire selon deux registres ; d'un part avec les dynamiques d'évolution des écosystèmes forestiers et de ses ressources (nouvelles essences, migration assistée, etc.), et d'autre part avec les changements de pratiques des acteurs de la filière forêt bois, de la sylviculture à la transformation (Banos et Deuffic, 2020). La communication proposée vise à analyser les façons dont ces acteurs pensent et se projettent dans ces évolutions afin d'identifier les déterminants de l'adaptation et d'interroger les dimensions discursives et idéologiques des mutations en cours (Kull, 2017). Si les propriétaires forestiers ont fait l'objet de plusieurs travaux, une attention moindre a été prêtée aux gestionnaires et aux transformateurs. Comment ces derniers se représentent et intègrent les enjeux liés à la transition et à l'adaptation en forêt ?

Les résultats présentés s'appuient sur une enquête qualitative et notamment des entretiens semi directifs (n=17) auprès de gestionnaires et de professionnels de la première transformation en Centre Val de Loire[1]. L'analyse permet d'identifier les mesures d'adaptation prises par les gestionnaires, en distingant les groupes professionnels – publics, privés, coopératives ou indépendants – regroupés derrière le terme de « gestionnaire » (Glinel, 2023), pour interroger les représentations et cadres d'interprétation de ces acteurs quant aux questions liées à l'anticipation et à l'adaptation. Les résultats discutés permettront par ailleurs de replacer l'adaptation au changement climatique dans une approche transversale de la filière forêt-bois, en intégrant les acteurs de la première transformation. Les quelques travaux sur l'adaptation des scieurs au changement climatique témoignent de la difficulté de la prise en compte du phénomène par ces acteurs (Van Gameren et Zaccai, 2015). Or l'analyse menée souligne l'inquiétude des scieurs face au changement climatique et l'émergence de scieries qualifiées « d'adaptatives », et se voulant plus résilientes. Enfin, l'intégration d'une réflexion englobant ces deux groupes d'acteurs est d'autant plus nécessaire que les mesures prises influencent l'un et l'autre. Les mesures des gestionnaires (diversification et irrégularité) peuvent ainsi ne pas coïncider avec les demandes de l'industrie, plus favorable à des essences résineuses et une sylviculture conventionnelle. À l'inverse, la standardisation mécanique des scieries peut freiner les modalités d'adaptation des gestionnaires.

[1] Dans le cadre du programme SYCOMORE, Dispositif « Action Recherche et Développement Centre Val de Loire » financée par la Région Centre Val de Loire.

Bibliographie

Banos V. et Deuffic P., « Après la catastrophe, bifurquer ou persévérer ? Les forestiers à l'épreuve des événements climatiques extrêmes », Natures Sciences Sociétés 28 (5), 2020

Bouget C. et al., « Changement climatique : la biodiversité forestière à la croisée des enjeux de conservation et d'atténuation », Sciences Eaux & Territoires, 2020, N°33, pp 84-89.

Glinel C., « Gestionnaires forestiers : une nouvelle catégorie de l'action publique forestière ? » dans Pour, 2023/2 (N°246), pp 111-120

Kull C., « Forest transitions: a new conceptual scheme », Geographica Helvetica, vol. 72, no 4, 2017, pp 465‑474

Van Gameren V. et Zaccai E., « Private forest owners facing climate change in Wallonia: Adaptive capacity and practices », Environmental Science & Policy, Vol 52, 2015, pp 51-60