Les managers des forêts alpines : une profession au cœur de la transition des socio-écosystèmes forestiers ?
Raphaël Lachello  1, 2, 3@  , Mikaël Chambru  2, 3@  , Noémie Lorenzi  3@  
1 : Laboratoire de recherche historique Rhône-Alpes
UGA-CNRS
2 : Groupe de Recherche sur les Enjeux de la Communication
Université Grenoble Alpes, Université Grenoble Alpes : EA608
3 : Laboratoire d'excellence Innovation et Transitions Territoriales en Montagne
Université Savoie Mont Blanc, Centre National de la Recherche Scientifique, Institut National de Recherche pour l’Agriculture, l’Alimentation et l’Environnement, Université Grenoble Alpes

Alors que l'Office national des forêts (ONF) se présente comme acteur de l'adaptation et de la préservation des forêts face au changement climatique, cette communication interroge comment les Responsables d'unité territoriale (RUT) mettent en œuvre cette ambition au sein de leurs Unités territoriales (UT). Ces “managers forestiers” en charge de la production de bois et de l'aménagement des forêts agissent à l'interface entre le terrain, les acteurs territoriaux et les agences territoriales de l'ONF. Ils accueillent également dans leurs unités des personnels délégués par les agences travaux et Restauration des territoires de montagne (RTM). Au sein de l'ONF, ils constituent donc un maillon essentiel de l'application des directives nationales et régionales au sein de leurs UT. Dès lors, comment s'adaptent-ils aux injonctions de transition en lien avec les changements socio-environnementaux, aux mutations des pratiques et aux redéfinitions de leur profession ? Comment concilient-ils les exigences de leur hiérarchie avec les attentes des Techniciens forestiers territoriaux (TFT) et celles des territoires sur lesquels ils officient ?

Cette communication s'appuie sur le cas de la Savoie. Ce département de montagne où la sylviculture en futaie irrégulière mélangée pratiquée par l'ONF, correspond aux standards désirés par les associations écologistes de la filière telle que Pro-Sylva ou des milieux militants, voit ses forêts traversées par des problématiques diversifiées selon qu'elles se trouvent dans un territoire péri-urbain ou rural et touristique. Ces forêts gérées par l'ONF ont d'ailleurs une productivité fortement variable selon leur contexte topographique, climatique et socio-économique : les UT de plaines et des massifs calcaires pré-alpins récoltent jusqu'à 4m³/ha/an alors que celles des hautes vallées n'excède pas les 0,9m³/ha/an. Cette diversité est d'autant plus intéressante dans un contexte de changement climatique particulièrement marqué en montagne (Ménégoz et al., 2020) où la bostryche typographe explose dans certaines UT depuis deux ans, tandis que d'autres sont préservées.

Cette communication s'appuie sur des entretiens réalisés en décembre 2024 auprès de l'ensemble des RUT de Savoie. Ces entretiens sont analysés au prisme de trajectoires socio-écosystèmiques (Elleaume et al., 2022) mêlant archives historiques et données écologiques permettant de remettre en contexte le discours des RUT en fonction de la trajectoire spécifique à chacune de leur UT. Le but est de montrer que malgré les injonctions à la transition, les RUT font face à des problématiques de terrain et des enjeux spécifiques aux territoires de montagne qui complexifient sa mise en application. Par exemple les impacts négatifs de la crise des scolytes sur le marché du bois et le manque de visibilité sur le plan climatique rendent leurs choix d'investissement plus difficile à prendre. Le décalage entre leur formation, basé sur une sylviculture de plaine et la “réalité” sylvicole de leurs UT de montagnes complexifient l'application des politiques de l'ONF. Les mesures de reboisement labellisés « transition écologique » telles que celles financées par le plan de relance, paraissent incohérentes dans des territoires où la sylviculture basée sur la régénération naturelle est défendue par une part importante des techniciens forestiers (Lachello et Al. A paraître).


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