Les arrière-pays méditerranéens, souvent décrits au travers de leur ruralité, sont aujourd'hui les lieux d'appréciation du phénomène de transition forestière (A. S. Mather,1992). Les dynamiques de ces territoires, qui ont connu de profonds changements sociétaux (Chevalier et al., 2010 ; Bouba-Olga, 2021), poussent à s'interroger sur ce qui définit aujourd'hui la ruralité et à poser les yeux sur ces bois, plantations et forêts qui s'emparent des paysages méditerranéens. Il s'agit aussi de porter attention aux habitants, qui, à travers leurs pratiques ou leur départ, sont pleinement acteurs de ces transitions. Huerta évoque en ce sens le phénomène de « plainisation », durant lequel les savoir-faire, issus des monts, ont suivi les populations dans leur migration vers les espaces de plaine. Ces savoir-faire sont précieux, car issus d'une «adaptation constante» liée aux difficultés imposées par la vie en arrière-pays, ayant donné lieu à des processus «d'émigrations, à des aménagements, à d'innombrables inventions anonymes».
L'adaptation fait donc partie de ces territoires, et sa traduction dans les paysages se perçoit encore entre les arbres, évoquant le passage, la transition de territoires paysans à forestiers. Pour autant, ces forêts font-elles partie des dynamiques rurales ? Cette recherche interroge deux territoires méditerranéens : le Bages, comarque catalane (Espagne) et la Ligurie, région italienne, ayant suivi des trajectoires similaires (exode rural, héritage paysan, foncier privé, etc.), menant au développement spontané ou non d'espaces boisés qui sont aujourd'hui soumis à divers risques. En Catalogne, les incendies dominent. En Ligurie, les glissements de terrain inquiètent, et les feux sont aux portes du territoire. Face à ces paysages forestiers en crise, comment parler d'adaptation peut amorcer le processus de transition nécessaire dans ces arrière-pays ? Leurs caractères communs comme leurs singularités permettent d'entrevoir un dialogue fertile quant aux étapes menant à leur adaptation.
La méthodologie est basée sur plusieurs procédés, dont des entretiens semi-directifs, visant à cerner les perceptions des acteurs au sujet du rapport de leur pratique vis-à-vis des paysages forestiers. Une revue de la bibliographie a permis d'établir leur structure en cinq thématiques (rapport au territoire ; pratiques agricoles ; rapport aux paysages forestiers ; état des connaissances locales ; appréhension des changements). Trois grilles ont été préparées suivant la posture de l'enquêté (agriculteur, gestionnaire, acteur lié directement aux forêts), comprenant des questions communes afin d'amorcer leur analyse, en deux temps. Une première comparaison, entre territoires : Quelles caractéristiques sont les plus/moins représentées sur chaque territoire ? Une seconde, à partir des thématiques émergeantes (ex : les acteurs au sein des deux territoires expriment pouvoir se projeter. Or, en Catalogne, cette capacité à se projeter est plus liée à la viticulture et en Ligurie, aux connaissances locales et leur transmission). Une comparaison des résultats est envisagée avec ceux d'une étude en cours sur des territoires similaires, tournée vers les « experts », afin de relever les dissonances ou consonances potentielles avec les discours "non experts" dont il est question ici.
Cette approche propose plusieurs degrés d'analyse aboutissant à un aller-retour entre les leviers locaux d'adaptation et les sujets cohérents d'échanges à l'échelle du bassin nord-ouest méditerranéen. Les entretiens débutent dans deux semaines, et ont été élaborés avec des chercheurs catalans du Centre Technologique Forestier Catalan. À ce stade, la recherche permet d'échanger sur les enjeux de méthode, et d'apporter un regard sur la posture du paysagiste-chercheur au sein des territoires ruraux.