La communication proposée s'inscrit dans le cadre des travaux de thèse en cours portant sur une aire protégée du centre-Togo, la Réserve de Faune d'Abdoulaye (RFA). Créée par le décret n° 391-51/EF du 7 juin 1951 au Centre-Togo sur une superficie de 30 000 ha et centrée au départ sur la protection stricte sans respect des droits d'usage des services écosystémiques par les communautés riveraines, la réserve de faune d'Abdoulaye fut envahie à deux reprises par des peuples autochtones et allochtones. Ces invasions ont contribué à l'anthropisation de la réserve avec, comme corollaire, sa déforestation et sa savanisation. Ces dernières décennies, on assiste à la progression de sa surface forestière au détriment des savanes, bien que les traces de l'Homme y soient encore visibles. De 1982 à 2022, les surfaces forestières sont passées de 5 345,5 ha à 6 707,8 ha soit une augmentation de 1 362,3 ha en 40 ans.
Dans le contexte actuel de la lutte contre le changement climatique, il est intéressant de questionner cette dynamique actuelle, ce en lien avec la disponibilité des services écosystémiques. Ainsi, deux questions méritent d'être posées : (i) quels peuvent être les facteurs de la progression des surfaces forestières d'Abdoulaye ? (ii) quel est l'impact de cette progression sur les services écosystémiques ?
L'analyse des données mobilisées à partir de la cartographie participative, des entretiens semi-directifs, des questionnaires et des images Landsat a montré que la progression de la surface forestière de la réserve de faune d'Abdoulaye est due au recul des feux de végétation, à la mise en place des forêts communautaires, aux actions de sensibilisation menées principalement par l'ONG AE2D et à la prise de conscience progressive des enjeux environnementaux par les populations riveraines.
Cette dynamique a un impact positif sur certains services écosystémiques, notamment la capacité de la réserve à stocker le carbone. En effet, l'analyse des données dendrométriques a révélé que le stock de carbone dans la RFA va de 39,4 t.ha-1 en savanes à 211,6 t.ha-1 en forêts. Aussi, une analyse comparative entre la capacité de stock de carbone de l'aire étudiée avec les zones adjacentes a montré qu'elle est supérieure que celles des forêts communautaires qui constituent sa zone tampon ; le stock moyen de carbone est de 79,3 t.ha-1 contre 46,6 t.ha-1, 34,7 t.ha-1 et 16,9 t.ha-1 respectivement pour les forêts communautaires d'Alibi 1, de Bago et de Koussountou. Outre l'offre d'habitat pour les animaux, le rôle régulateur que joue la RFA constitue l'un des arguments phares que mobilisent les pouvoirs publics pour justifier sa pertinence auprès des populations locales qui sont principalement en quête des services d'approvisionnement.