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Jouer en forêt : penser les transitions du point de vue des enfants. Étude de cas des jeux libres des jeunes Éclaireurs et Éclaireuses de France
Valentin Alibert  1@  
1 : Passages
université Bordeaux Montaigne, université Bordeaux Montaigne : UMR5319

La possibilité pour les enfants de jouer librement dans les espaces extérieurs ne va pas de soi. D'une part, le concept « [d']extinction de l'expérience » exprime la diminution des contacts directs avec la nature. D'autre part, la façon dont les enfants peuvent interagir avec le vivant fait l'objet d'un contrôle important, avec le risque que certaines injonctions transmises par les adultes limitent leurs expériences de nature. Dans un contexte de crise de la biodiversité, le terme de transition est ici mobilisé pour faire référence aux derniers travaux de l'IPBES qui nous enjoignent à des changements transformatifs profonds dans la façon dont nous envisageons les liens avec la nature. Ces changements concernent notamment la prise de conscience croissante des interconnexions. Cette contribution s'appuie sur un travail doctoral en cours qui s'intéresse aux relations que les enfants tissent avec la biodiversité quand ils pratiquent des espaces de nature en contexte récréatif. Les deux principaux terrains concernent des forêts de l'agglomération de Bordeaux.

Il s'agira de répondre à la question suivante : en quoi prendre au compte les valeurs que les enfants attribuent à la nature lorsqu'ils jouent en forêt nous permet de mieux penser les défis des changements transformatifs présentés par l'IPBES ?

Le cadrage théorique mobilisé, interdisciplinaire, est issu de la géographie sociale et culturelle de l'environnement, des children's geographies, et des travaux menés en biologie de la conservation et en psychologie de l'environnement. Les résultats sont issus d'une enquête ethnographique réalisée depuis septembre 2021 au sein d'un groupe local des Éclaireurs et Éclaireuses de France (scoutisme laïque) de l'agglomération de Bordeaux. J'assiste aux rencontres mensuelles du groupe qui ont lieu dans un bois urbain ainsi qu'aux camps d'été et week-ends campés. L'une des entrées de cette recherche s'intéresse aux territorialisations des enfants en forêt, notamment aux cabanes qu'ils construisent pendant les temps libres de ces sorties.

Cette contribution présente deux résultats en particulier :

1- Les temps récréatifs en forêt permettent aux enfants de construire une diversité de valeurs envers la nature : instrumentales, intrinsèques et relationnelles. L'approche ethnographique permet de révéler que la valeur accordée à certains végétaux se comprend en situation. Pour un même enfant, la mousse peut être prélevée sur un rondin pour tapisser le lit d'une cabane (valeur instrumentale). Elle peut aussi être dotée d'une valeur intrinsèque quand la mousse rencontrée sur une souche en particulier prend une importance esthétique et rappelle à cet enfant la forêt des druides dans Astérix et Obélix, avec l'envie de la protéger.

2- L'approche ethnographique révèle aussi la dimension non consensuelle des valeurs que les enfants attribuent à la nature selon les différentes situations. Les échanges entre pairs mettent au jour certains désaccords. Ces dissensus permettent de réfléchir aux « valeurs démocratiques du pluralisme » (Larrère, 2010) au sens où la délibération entre enfants permet aussi de faire l'apprentissage de la diversité des liens qui nous unissent au vivant.

Cette contribution invite ainsi à mieux prendre en compte les différentes valeurs que les enfants attribuent à la nature et éclaire en cela les enjeux posés par les changements transformatifs mis en exergue par l'IPBES.


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